Bon d'achat pour l'article "rébellion" valable sur dix jours ouvrés

Là, tout de suite, j'ai l'adorable voix de Till en tête: "tu das nicht... lass das sein... sag einfach nein... BÜCKSTABÜ!" (fais pas ça... laisse tomber... dis enfin non... BÜCKSTABÜ!)

Bückstabü, c'est pas de l'allemand, c'est juste, dans le délire de Rammstein, le truc qu'on ne peut pas s'empêcher de faire alors qu'on sait que c'est mal ou immoral ou socialement pas bien. Ben là, moi, c'est le cas. Bückstabü.

Récemment il y a eu l'élection de miss ronde 2012. ... bückstabü. Parce que je l'ai senti venir. Déjà on a eu droit à la présentation des candidates, alors que je glossais sur la signification du terme. Ronde? non mais vous réalisez ce que ça veut dire? ronde. RONDE. Se dit d'une forme géométrique basique, sans angle, fermée, à un seul côté, à courbe régulière. Un rond, quoi. La section d'un tube, d'un cylindre, d'un tonneau, d'une poêle, d'un verre à bière. Rond! personnellement je trouve ça encore pire que grosse. Grosse c'est quoi? Gros, et son féminin grosse, sont des emprunts à l'allemand, Gross (je ne sais pas comment on fait le esset sur ce blog). Il a également donné gras (grasse), et la forme transitoire se trouve dans l'expression "grasse matinée", qui signifie en fait "grande matinée". Gros, d'origine germanique, est arrivé comme le pendant du bas-latin grandus, équivalence du latin classique magnus, mais avec la nuance de grand par la largeur, par l'ampleur, le volume, le gras... ou le muscle. Dire d'une personne qu'elle est grosse est aussi platement descriptif que petit, grand, maigre, droit, voûté. "Il est gros": oui, il a un volume notoire, supérieur à ce qu'on a l'habitude de voir. Ça peut être du gras, ça peut aussi être du muscle, ça peut être les deux, ça peut être un facteur génétique, ou maladif, ou de la stupidité alimentaire, ça dépend s'il mesure 1m60 ou 2m10. Ben il est gros, quoi, au même sens que moi je suis plutôt petit, enfin d'une taille autre que moyenne.

Neanderthal, 1m65, 85 kg, assez de force pour abattre un rhinocéros d'un coup de poing, vous dit qu'il est GROS et FORT.

Rond. Rond, c'est de la famille lexicale de carré, ovale, triangulaire, droit. Rond, c'est une forme. Il est rond: il n'a qu'un seul côté, une seule face, c'est une boule, une sphère, comme une boule de pétanque, une boule de bowling, un melon, un boulet de trébuchet! On peut refuser le terme "gros" car malheureusement, il signifie souvent "pas comme moi donc monstrueux", il est utilisé comme arme discriminatoire. Pour ne pas contribuer à rouvrir ce genre de blessure, j'ai personnellement davantage tendance à dire "fort": c'est proche. Un gros a un corps fort, des proportions fortes, une corpulence forte, et pour peu que ça soit en partie au moins du muscle, y'a des chances qu'il soit vraiment fort physiquement, comme un haltérophile. Gros pour moi est acceptable, ce n'est qu'une appréciation de volume, mais si le mot fut utilisé comme une balle dum-dum, j'accepte aussi de ne l'utiliser qu'en second lieu. Mais rond? comment peut-on accepter d'être comparé à un melon, comment peut-on accepter d'être réduit à une forme géométrique, à la sphère? c'est totalement déshumanisant.... mais il est vrai que l'humain a la faculté de redéfinir ce qu'il a envie d'être et d'ignorer ce qu'il est. (au moins l'humain occidental que je côtoie depuis une petite trentaine).

Représentation d'une belle ronde

Or donc, tandis que je glossûs, nous voyûmes les photos des candidates. Là, je savais plus. Alors oui pour certaines le terme de "grosse" semble éventuellement convenir, donc je dirais "forte". Mais... pour la plupart même pas. La plupart sont juste bien en chair -donc une masse de chair appréciable, sans aller jusqu'à la grosseur ni la force. Et certaines sont juste très très normales, avec des formes généreuses. Ça s'arrête là. Je sentais l'escroquerie, et j'ai encore raison. Notre société, via sa presse, entretient la dictature de la dictature de la minceur (voir un très très vieil article tout au fond sous la poussère). Car là où c'est dangereux, c'est que le critère est systématiquement décalé d'un cran. Celle qui était simplement bien en chair devient "grosse" ou donc, encore pire, "ronde" (moi je suis quoi avec mes épaules et mon squelette d'ours kodiak? un rectangle?). Celle qui était une femme normale avec des belles formes devient "bien en chair". Celle qui est mince avec peu de formes devient "normale". Celle qui était trop maigre devient "super tendance". Alors de temps en temps cette presse se pète un petit boulon, et dans un numéro sur cent cinquante, on a un spécial "yenamar du diktat de la minceur que nous entretenons servilement en bons collabos, on va faire une collection de fringues spéciales grosses rondes!" Ça s'appelle se déculpabiliser. Faire croire que non, vous voyez, on n'est pas méchant. Ça s'appelle vous donner un sucre d'orge entre deux séries de cinquante directs du droit dans la face.

La charité chrétienne, entre deux génocides, conversions forcées, destruction de lieux sacrés et brûlage de gens vivants

Ce défilé et cette élection sont présentés -ah pis merde: présentées, je fais l'accord de proximité, jamais pu comprendre cette règle complètement conne du "masculin l'emporte"! -donc présentées comme un véritable manifeste. Genre "ben oui je suis ronde, je m'accepte, de toute façon j'y peux rien". Et cette citation délicieusement acide: ""J'aime manger, sortir avec les amis, je suis une épicurienne". C'est vrai, faire attention à sa ligne ne va de paire avec la spontanéité des joies de la vie. " plaît-il? Ah oui c'est vrai: le rapport de cette civilisation à la nourriture relève du chaos absolu et du non-sens institutionnalisé. Ben si, faire attention à ce qu'on mange ça s'associe complètement aux petits plaisirs de la vie. Faire attention à ce qu'on mange, c'est manger comme l'omnivore que nous sommes, avoir compris que manger équilibré c'est pas à l'échelle de la journée mais de la semaine, savoir donner du goût à ce qu'on mange, jongler avec les modes de cuisson et les épices (dans épice j'inclus tout ce qui se mange mais qui n'a pas pour but de nourrir, donc le sel et l'ail en font autant partie que le paprika et le fenugrec). Ah mais non, suis-je étourdi: pour la société actuelle, faire attention à ce qu'on mange, c'est se priver, d'une façon ou d'une autre, parce qu'on croit qu'on doit absorber moins, parce qu'on croit être une vache (mes amis les vegans, bon d'accord pas tous) ou parce qu'on croit être un lion (mes amis les dukanistes).

SCHÉMA DU RAPPORT À L'ALIMENTATION DE NOTRE SOCIÉTÉ

                                     VEGAN                                               VS                                             DUKAN!

J'y ai néanmoins vu quelques citations intéressantes: " Toutes les beautés sont dans la nature". Ça par contre c'est un peu trop facile et un zoophile pourrait la sortir. Peut mieux faire.
-"On est des femmes avant d'êtres des rondes" Ouai, là par contre, ça me semble aussi indéniable que "comment peut-on lancer un oeuf sur un sol en béton sans qu'il se brise? -aisément car le béton se brise rarement au contact des oeufs".
-"Marre du racisme anti-grosses!" Pourquoi tu y participes, malheureuse? tu comprends pas qu'un système dictatorial te manipule? non au contraire, la vraie citation, la voici:
-"Peu importe le physique que l'on a, c'est ce que l'on en fait qui compte " VOILÀÀÀÀÀÀÀÀ! et même encore mieux:

" une femme belle n'est pas une femme mince, ni une femme grosse. C'est une femme qui s'assume. " VOILÀÀÀÀÀÀÀÀÀÀÀÀÀÀ! rien à rajouter c'est totalement ça! une femme qui est elle-même, qui s'assume telle quelle, sans aucune ingérence extérieure! alors oui, que des grosses s'assument, oui, évidemment, ce n'est pas un adepte du chamanisme nordique qui ira dire l'inverse. Nous sommes qui nous sommes et il est totalement vain (et destructeur) d'aller en sens inverse... contrairement à ce que cette société veut nous faire faire. Seulement là, ça s'assume mal. Elles ne sont PAS grosses, encore moins rondes (je leur distingue par exemple des membres).

Illustration de "s'assumer".

Qu'elles s'assument. Ovide a écrit quelques petites choses à l'intention des femmes à propos de l'acte sexuel, dans son inénarable "art d'aimer" (sacrés Romains, tellement contradictoires). Tu as une grosse poitrine? tu peux te permettre le décolleté. Tu as des longues jambes? tu peux te permettre la jupe courte. Tu as un gros popotin? tu peux te permettre la jupe mi-longue ou longue ou un pantalon assez près du corps. Ce ne sont que des exemples. Tu es "grosse"? ben t'as toujours des choses à mettre en valeur, comme n'importe qui. Bien. Tu veux faire des défilés? des photos de charme? oui, pourquoi pas, comme n'importe qui peut le faire. Mais l'idéal ça serait que les groses puissent le faire comme n'importe qui et parmi n'importe qui. Elles galèrent à trouver de quoi s'habiller -paradoxalement à l'instar des femmes trop minces! Parce que là, le danger, c'est la compartimentation. Les grosses, avec les grosses, ne vous mêlez pas aux gens normaux. Les furries avec les zoophiles et les cinglés, vous mêlez pas aux gens normaux (le premier qui me le sort en vrai, je lui plante mes crocs dans la jugulaire). S'assumer c'est être un humain normal, parce qu'il a appris à reconnaître ce qu'il est et sait ce qu'il a envie d'être.

Illustration deWAIT! WHAT?

Cette compartimentation, c'est comme un chèque-cadeau pour s'offrir le produit "rébellion" au rayon fringue, avec une promo de 5 centimes à partir de 100 euros d'achat, offre valable jusqu'au 15 du mois prochain dans la limite des jours ouvrables. Quel est le meilleur moyen de contrôler toute vélleité de rébellion de la part du peuple? lui offrir un espace inoffensif portant l'étiquette "rébellion". Regardez, je suis ronde, je fais un défilé de rondes: le diktat de la minceur t'a vendu cet espace "rébellion" qui ne lui nuira pas. Regardez, l'ai une casquette Nike à l'envers qui coûte un bras, des fringues Sergio Tacchini qui coûtent un bras, et des adidas aux pieds qui coûtent un bras, et j'écoute le rap parce que c'est de la musique de rebelle: bravo, félicitation, tu es un consommateur fiable du produit "rébellion"; encore cent euros d'achat et tu aras deux centimes de réduction, non valable sur la formule du midi. Regardez, j'ai quelques locks dépassant de mon crâne rasé, j'ai un pantalon treillis militaire, un piercing à chaque protubérance de mon corps, et une épingle à nourrice dans la joue, parce que je suis un punk. Non, pauvre abruti: par définition il n'existe pas de style punk! Apprenez qu'un rebelle, un vrai, quelqu'un d'hostile à la société, vous le croisez dans la rue sans le savoir. Il n'a pas de signe distinctif. Il est tel quel. Marre du diktat de la minceur? assume-toi comme grosse parce qu'en effet, une femme belle, c'est une femme qui s'assume. Marre de cette société et envie de la contester? ça peut en effet passer par le rap, pourquoi pas, c'est une façon simple et accessible de déclamer ce qu'on pense. Idem avec le rock et ses dérivés, quand on a appris la technique, grunter dans un micro c'est pas compliqué (allez: contracte le ventre à fond, contracte la gorge à fond, et hurle). Nous sommes supposés vivre dans une société libertaire. Ça veut dire que nous avons tous suffisamment de points communs pour former un groupe humain cohérent (une société, une civilisation, une culture), et que ce groupe a pour règle de vie de tolérer de larges différences personnelles. PERSONNELLES. Pas induites par des intérêts commerciaux, des intérêts privés qui ne sont pas les nôtres.

Heureusement, il y a internet.