Je ne suis pas francophobe

Alors là mes enfants vous êtes gâtés: deux pour le prix d'un. Là, y'a comme qui dirait une forte poussée d'écriture, aussi irrésistible qu'un besoin de sucre chez un individu sujet à l'hypoglycémie. Là, il faut.

Que je m'explique, car ça sera là l'occasion d'expliquer mon ressenti national, identitaire, qui, non, n'est pas "francophobe". En fait, notre langue manque de vocabulaire; j'aimerais faire la distinction entre l'État et le pays. Entre une certaine mentalité, qui atteint des proportions stupéfiantes aujourd'hui, et le pays.

À titre personnel, déjà, quand quelqu'un me cherche des emmerdes, ben c'est gendarmerie ou huissier direct. Je l'ai fait y'a pas quarante minutes, avant d'écrire ces lignes. Reviens gueuler, tambouriner et tenter d'ouvrir ma porte, qu'on rigole. Oh, c'est pas la première petite emmerde; tentative d'agression? > gendarmerie. Ah, parce qu'en plus, en tant qu'agresseur, ça te dérange pas de porter plainte conte ta victime? c'est ballot, parce que c'est la victime, qui a des traces sur le visage. Pas toi. -> dénonciation calomnieuse -> contravention. C'est dommage, hein? Ou bien, quelqu'un qui essaie de truander pour un constat, qui refuse de discuter? -> bouge pas, l'huissier arrive. Ben oui: il y a encore un service d'ordre dans ce pays, même si on le laisse doucement sombrer. Je n'arrive pas à comprendre les gens qui croient pouvoir se substituer à lui. Parce qu'il existe. Et du coup, je fais appel à lui.

Ça, déjà, ça m'ennuie terriblement. Pour qui se prenne ces gens?

Ensuite, je vais donner une petite leçon d'histoire insulaire à ce français vivant au Japon qui, après nous avoir expliqué que le Japon a développé une curieuse mentalité de l'harmonie et de la politesse, histoire de limiter les risques de bain de sang dans un pays très confiné (tout ça en vain, cela dit) fait un brutal volte-face et nous explique maintenant que c'est faux. En prenant l'exemple, qu'il ne connaît absolument pas, de l'Irlande. L'harmonie lisse et propre? elle ne fonctionne pas, nous sommes d'accord, les Japonais ont passé leur histoire à se mettre sur la gueule. L'Irlande a connu vingt ans de guerre civile? L'Irlande du NORD, merci de pas confondre, et à cause d'une présence extérieure, les protestants sont quand même d'extraction britannique, descendants de colons, il faut le savoir. Et puis là aussi, dans l'Irlande ancienne, y'a eu tentative d'harmonie: hé oui, des codes de loi et des structures hiérarchiques plutôt millimétriques. Une sorte de structure pyramidale avec des castes, chacune étant ouverte à celle du dessous. Mais ça n'a pas marché, les Irlandais ont passé quasi toute leur Histoire -sauf de 1003 à 1014, sous Brian Boru- à se mettre sur la gueule. Dernier exemple, l'Islande. Code de lois millimétriques encore, le fameux Grágas. L'Islande fut aux gens de l'époque viking ce que le Far West fut aux colons britanniques et irlandais. Une terre lointaine -mais en Islande, elle était vraiment inhabitée. Ben... ça n'a pas super bien marché non plus.

Mais...

Mais l'harmonie ne signifie pas forcément l'homogénéité propre et calme, car cela nécessiterait une force coercitive au-delà de ce que l'humain peut faire. L'harmonie, c'est aussi contenir le désordre et le violence: là-dessus, la Loi des Innocents d'Adomnan d'Iona, en Irlande, et le code de l'honneur strict des guerriers, en Islande, ont permis de circoncire la violence aux hommes, adultes (ok ils l'étaient plus tôt que nous), de condition libre, armés, et en état de répondre. Le tout reposant sur des croyances et un mode de vie profondément enracinés dans l'esprit de ces gens. Je connais très mal l'Histoire japonaise. Existait-il un code d'honneur permettant de contenir au maximum cette violence, afin de préserver l'harmonie? Une harmonie vraie, lucide, cohérente, hors de portée du très faible intellect d'un Français, évidemment. Hé oui, l'harmonie rêvée de la France, c'est propre, lisse, inerte. Et ça, ça, ça ne marche pas, en effet. Ça ne peut pas marcher. Renseignez-vous sur les faits divers: récemment, des gens qui taillent des steaks dans des vaches vivantes ou un gosse de treize ans qui braque une bijouterie; ou bien, une femme en morceaux dans des valises. L'harmonie-uniformité ne marche pas, l'harmonie réelle avec petit recoin réservé au défouloir est proprement incompréhensible pour les Français. Et on a des gens qui se croient tout permis, et une police qui coule petit à petit.

Ah, toujours ce rêve d'un monde lisse et propre. Toujours cette faculté d'avoir raison "par défaut". Les sénateurs français se sont brillamment illustrés à cet exercice lors d'un déplacement en Suisse, dont le but reste tout simplement, et encore, inconnu des Suisses eux-mêmes. Tout est dit et ce bref lien vaut son pesant d'emmental (celui qui a des trous, par pitié, arrêtez avec votre gruyère). Constat simple: le problème de la France, ce n'est pas son chômage absolument effroyable (commencez par supprimer l'URSSAF et on en reparle), ou sa "dette" (les Islandais ont quitté la partie de Monopoly et tout va bien pour eux, leur Président est même venu l'expliquer devant les Députés, la presse a censuré l'info). Non. Son problème, c'est sa mentalité. Si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous n'avez pas compris, alors on va répéter.

Et des Sénateurs français qui ont le culot de sortir aux Suisses qu'ils sont "en retard en matière de dépenses publiques". Un pays que seule sa masse de contribuables sauve de l'abîme, l'Union ne pouvant se permettre l'insolvabilité de son deuxième plus gros pays, qui vient faire la leçon au pays le plus riche du monde -la SUISSE, bordel.

Non mais sérieusement vous vous prenez pour qui? sérieusement?

Vous savez quoi? depuis quelques temps, grâce à Internet, je communique avec des Russes.

Des Russes. Vous savez, les Popofs, les méchants, là.

Petit florilège.

"la mafia russe... depuis le temps que j'en entends parler, j'aimerais bien la rencontrer, voir un peu à quoi ça peut ressembler."

"la censure!? hé ho! vous êtes au courant que l'URSS c'est fini? vous avez vu où, de la censure chez nous?"

"mais pourquoi vous nous détestez, pourquoi nous sommes les méchants? qu'est-ce que vous a fait? je croyais que nos pays étaient alliés?"

Merci, merci, merci à un prof d'anglais russe qui m'a sorti:

"Votre problème c'est que vous êtes trop dépendants des États-Unis. L'Europe devrait être vraiment indépendante."

Bah qu'est-ce que vous voulez, je l'ai remercié d'avoir dit ça. Ben oui, c'est vrai. (il m'a remercié en retour de ma franchise.)

Je vais aller plus loin.

Asseyez-vous si c'est pas déjà fait et préparez un oreiller pour amortir votre chute.

Je communique avec une lesbienne russe.

Bah non, c'est pas "interdit", en Russie. Là se place une différence de mentalité fondamentale qui va me permettre de bien cerner le problème. En Russie, ce qui n'est pas toléré, et du reste pénalement répréhensible, c'est la propagande homosexuelle. Nuance. "ouiiiiiii, liberté d'expression, c'est donc de la censure, etc." alors la censure on va en finir une bonne fois pour toutes. T'es au courant que les Russes viennent de comprendre comment soigner le cancer et qu'ils entament les essais? t'es au courant de la visite du Président islandais en France, la première depuis l'année de ma naissance y'a presque trente ans? t'es au courant de l'existence des BRICS, Brazil-Russia-India-China-South Africa? et de leur projet de faire du rouble ou du yuan, ça négocie encore, une monnaie de référence internationale? t'es au courant que l'interprète arabe/russe Ankhar Kochneva, une ukrainienne, a été retenue prisonnière par les "rebelles" syriens, qui réclamaient des millions de dollars, et qu'elle s'est évadée SEULE? t'es au courant que le CDI a été supprimé? non? par contre, tu es bien au courant des procès d'humoristes, et de leurs condamnations? si on avait appliqué cette mentalité, quand j'étais gamin, aux Guy Bedos, Inconnus et autres Nuls, ils auraient été mûrs pour la perpétuité. Ça tu le sais, ça? mais non, y'a pas de censure, chez nous? retire donc ce séquoia que tu as dans l'œil avant de hurler à la mort face à un voisin qui passe le balai devant sa porte.

Tiens, qu'est-ce que c'est que ce ça?

Je reviens à ma lesbienne russe, donc. J'en ai parlé avec plusieurs citoyens russes: la vie privée reste dans le domaine du privé. On ne veut pas le savoir. Défiler dans les rues "parmi des soit-disant pères de famille qui ont le cul à l'air", pour citer ses mots, ça n'a aucun sens. Pour elle et pour les Russes en général. Liberté d'expression? vous obtenez quoi avec ça? vous choquez intentionnellement des gens. Ah oui, des réactionnaires demeurés, d'accord, mais imaginez seulement deux secondes que ce principe soit compris: la vie privée reste privée. Ces gens n'en savent rien. Hé bien vous cohabitez avec eux sans problème. Ils n'ont pas besoin de savoir, vous n'avez pas besoin -non pas de montrer- mais de les FORCER à le savoir. Quel besoin ont ces gens d'afficher leur sexualité -donc leur intimité- sous les fenêtres et les caméras des autres?

Mais non, non, pas en France. En France, on vous force à le savoir, et si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous n'avez pas compris, donc on insiste.

Et en plus vous êtes à la botte des Américains. Enfin bon. Et comptez pas sur eux pour palier vos lacunes en actualité du monde -pas de l'OTAN, du monde: ces mêmes infos, j'ai beau éplucher au moins chaque jour les news internationales grâce à un site que je mets parfois en lien, j'en vois pas la couleur. C'est dommage, on aurait pu avoir des alliés sur le continent américain directement: les Natifs. Ils ont accepté les règles du jeu imposées par les colons, et ils ont joué. Et ils ont gagné. Mais trop tard: ils nous haïssent. Ils n'ont plus un pépin de confiance en nous.

Déjà, avec ça, on partait TRÈS mal. Le pire c'est que je ne plaisante pas, ils nous en veulent terriblement.

Seulement il y a quelque chose de bizarre avec cette France qui confond "liberté d'expression" et "harcèlement jusqu'à ce que l'Autre accepte notre point de vue" (ça s'appelle "convertir" je crois, ça, non?). Si encore il ne s'agissait que de faits, bruts et tels quels, globalement comme moi je fais -parce que certains scientifiques, historiens ou paléontologues, m'ont servi de modèles. Ce qui est bizarre, c'est que aimer cette France, passe pour une déviance morale dangereuse. Être patriote, c'est être par définition une menace d'un retour du nazisme. Ah bon. Donc il faut être fier de détester son propre pays. Tout avec bien avec ce lien? c'est ça, "liberté d'expression"? ça vous dit, un petit réveil de Staline juste pour une semaine, pour vous faire savoir ce que c'est, une vraie dictature? c'est quoi l'intérêt d'aller provoquer sciemment le conflit? même constat que quand c'est moi, qu'on cherche: -> gendarmerie. Navré, mais ces putes de l'Est qui n'ont pas leur place dans leur pays d'origine sont juridiquement en tort de A à Z.

Et puis il est où le lien entre le nazisme et Jeanne d'Arc?

Évidemment ces gros corniauds d'ânes bâtés de gens d'extrême-droite ont été suffisamment français -terme plus approprié que "cons", trop général- pour accepter la provocation. Des CRS font le cordon pour protéger les exhibitionnistes: "police complice", braillent les abrutis. Oui ou bien les CRS ont eu pour consigne d'éviter un carnage pur et simple? et ces salopes le savent très bien, en plus... (quoiqu'à une manif anti-"mariage pour tous", mettre les bébés en avant n'a absolument pas fait "bouclier" et si si, les CRS n'ont eu aucun remord à gazer, contrairement à ce qui avait été espéré... bon, perso, des enfants dans une manif, je vois pas l'intérêt.)

On pourrait l'atteindre, cette harmonie vraie, celle qui délimite un défouloir, avec cette tradition du "débat" à la française. Un lieu, un temps où on s'engueule copieusement. Pas en-dehors.

Hé bien non, je ne suis pas francophobe.

L'obélisque élevé par Napoléon III à Fontenay-en-Puisaye, pour commémorer quelque chose de sinistre qu'on peut considérer comme la naissance du pays (discutable, mais possible). Qui serait capable de comprendre l'allusion, dans le susdit pays?

Il ne manquerait plus que ça.

Lacune lexicale: rien que "je suis russe", en VO, ça peut désigner deux choses différentes, mais complémentaires. Si je traduis dans notre écriture, ia russkiï, "je suis russe", c'est à dire Slave, de nationalité russe. Par contre, ia rossiyanin, "je suis russe", mais au sens de citoyen de la Fédération de Russie. Le premier est par définition citoyen. Celui qui est russkiï est par définition rossiyanin. Mais le second, celui qui est rossiyanin, donc de citoyenneté russe, peut avoir une autre nationalité: avar, kalmouk, tchétchène, tatar, bouriate, carélien, tchouvatche, tchoutche, sakha-yakoute, nienietz, etc. etc. il y en a plus de 200. On peut être de nationalité carélienne, tout en étant citoyen russe. Cette nuance très intéressante serait fort à propos pour que je gagne en clarté dans les miens.

Parce que beaucoup me lanceraient leur télé-loisir à la gueule en hurlant "hé bah vas-y en Russie, fais comme Depardieu!" Bah non: ma terre, c'est la France, trou du cul, pourquoi j'en changerais? Et j'ai jamais dit que la Russie était parfaite. Trois régimes complètement différents en l'espace de vingt ans, ben les Russes sont un peu perdus, ils sont méfiants, on peut trouver aussi bien le patriote borné et facho que le désespéré qui n'a plus confiance. Non, mon pays, il est ici. Oui, mon pays de naissance est français par une tricherie historique ("hé, napo, tu nous aides à mettre les Autrichiens dehors si on t'offre un comté sur la Côte d'Azur?"). Certes, le pays de mes ancêtres est français pour les mêmes raisons que jusqu'à une date récente, les Natifs étaient des Américains comme les autres ("maintenant, je roule le traité qu'on vient de signer et je te le fous dans le cuuuuuuuul"). Mais ce pays-là est déjà mort, victime de cette pollution. Oui.

Deux déracinements: le premier, l'exode rural, vers la région parisienne -> humiliations, puisque nous sommes des sous-hommes, c'est bien connu -> perte d'identité. Pas de transmission, ni langue, ni coutumes. Second déracinement: on te déporte quelque part en Allemagne pour que tu sois larbin, et quand tu reviens en France, tu galères à retrouver ta place. Mon grand-père en a tiré une conclusion que j'ai comprise il y a quelques mois seulement: maintenant, chez nous, c'est là où on monte notre maison. La maison est déjà montée, mais y'a du travail, ce qui fait que d'ici un mois, je ne garantis pas de faire mon article hebdomadaire. Donc, je suis chez moi et d'ici peu je vais l'être encore un peu plus. C'est mon pays.

Ce sur quoi je gueule souvent, c'est sa décadence. C'est sur ceux qui le pourrissent de l'intérieur et s'assurent qu'on gagne de plus en plus d'ennemis. Ils ne sont PAS ce pays. C'est une pollution, une gangrène, une invasion interne. Je ne veux pas d'eux chez moi.

ERRATUM: j'avais écrit "séquoyah" au lieu de "séquoia". Avoir un guérisseur cherokee inventeur d'un alphabet dans l'œil, c'est moins grave qu'un arbre géant.